On dit souvent qu’il faut toucher le fond pour être en capacité de rebondir. Je suis sûre et certaine d’avoir respecté l’adage. Malgré être remontée à la surface maintes et maintes fois je trébuche encore et me retrouve dans des profondeurs abyssales qui m’entrainent toujours plus loin dans un néant ou mon corps flotte; transpercé par une multitude de lames qui me traversent de part en part .
Mais le combat pour remonter à la surface semble tellement plus douloureux que ces attaques… Si me laisser aller était la solution? Abdiquer, accepter l’inacceptable, laisser ces flots me noyer, ces lames mettre fin une bonne fois pour toute à une bataille perdue d’avance?
Vivre dans une guerre permanente n’est pas vivre mais survivre! Je ne veux pas, je ne veux plus! Plutôt je ne peux plus. J’ai l’effroyable sentiment de gâcher tout ce qui m’entoure tout ce que j’ai tant voulu construire. Lorsque je tente de reprendre mes esprits et de faire « une capture d’écran », je réalise que j’ai tout ce qu’il faut pour une vie de rêve pourtant…
La santé, la sécurité financière, l’amour d’un homme sincère, la joie d’être mère…
La photo est idyllique.
Alors pourquoi? Pourquoi suis-je incapable de redresser la tête et de me réjouir de mon quotidien? Suis-je une éternelle insatisfaite? Une petite fille capricieuse et nombriliste incapable d’être heureuse et de rendre beau ce qu’elle vit avec autrui? Suis-je apte à aimer? Suis-je aimable? Au sens propre du terme, suis-je quelqu’un qui mérite l’amour? Je suis peut- être une de ces mentes religieuses qui dévorent leur partenaires après l’accouplement.
J’entends tout autour de moi des âmes bienveillantes me dire comme je suis une belle personne, que les tourments que je traversent sont difficiles mais qu’ils sont indépendants de ma volonté et qu’en gardant le cap je finirai par sortir de la tempête.
Mes enfants n’en font qu’à leur tête, impossible d’avoir une chambre correcte. Impossible d’être autonome dans leurs devoirs, impossible de passer une journée sans chamailleries. C’est à priori le lot quotidien de tous les parents. Ceci étant dit, moi, on me le reproche. » Votre enfant ne connait pas ses leçons madame », » votre enfant porte un pantalon troué madame », votre enfant s’est endormi à table madame, dort-il correctement chez vous? », « vos disputes avec votre compagnon plongent vos enfants dans l’insécurité madame!!!!!! » RRRRRRR je vous hais !!!
Tout, absolument tout ce qui est « normal » chez les autres m’a été pointé du doigt lorsqu’il s’agit de mes enfants. Pourquoi? Sous prétexte que j’ai voulu les protéger d’un père incapable? Sous prétexte que j’ai refusé de rester muette face à l’hypocrisie d’une directrice d’école que tout le monde déteste???
Je n’ai pas provoqué ces choses, je n’ai rien demandé et mes enfants n’ont plus. C’est arrivé c’est tout et j’y fais face comme je peux. Alors pourquoi? Pourquoi suis-je sur le banc des accusés? Décortiquée à la loupe en sachant que des gens attendent- LE- faux pas pour m’asséner le coup de grâce. « »Vous voyez Madame vous ne valez pas mieux que lui… » « Tu vois, je suis un mauvais père peut-être mais tu es tout aussi pitoyable! »
J’en viens à me demander si finalement le dénominateur commun à tous ces courants négatifs n’est pas moi. Serait-il possible que je sois à l’origine de ce flux de mauvaises ondes, de malheurs et d’épreuves répétitives? Suffirait-il réellement que je positive pour que les choses changent?
Lâcher prise, voilà encore un conseil avisé que je reçois comme une douce ritournelle chantant dans mes oreilles. Je l’ai fais. J’ai déjà lâché prise. Etais moi exigeante sur la scolarité, le respect des horaires du quotidien, le ménage…etc.
Comme un boomerang, ce » laissé aller » m’est revenu en pleine face. Pourtant je jure devant Dieu que jamais au grand jamais je n’ai délaissé mes enfants. Juste était un peu moins à cheval sur les règles histoires de lâcher la bride dans l’espoir d’éviter certains conflits. Je n’ai vécu que dans l’espoir d’être un jour une bonne mère et une bonne épouse. Convaincue que je n’étais capable de rien d’autre et que ce rôle serait mon seul salut, la seule justification à ma présence sur terre.
Je sais que mon « aujourd’hui » trouve ses réponses dans mon « hier ». Alors allons-y! Comptons à rebours pour comprendre. Comment en suis-je arrivée là? En quoi ce que la petite fille à vécu à pu à ce point influer sur la femme que je suis devenue?
Enfant je m’efforçais de ne pas faire de vagues. Etre la plus transparente possible pour ne pas importuner mes parents dans une vie qui me paraissait déjà suffisamment stressante pour eux.
J’étais une petite sœur casse pieds aux yeux de mon frère que j’admirais tant, schéma classique me direz vous! J’avais quelques amis, j’étais la fille sympa rigolote qui s’avérait être une oreille attentive. Je n’étais douée en rien, moyenne en tout. Mes parents n’avait pas les moyens ni le temps de nous offrir des activités extra-scolaires et mon asthme rendait inaccessibles celles qu’ils auraient pu m’offrir.
Je me souviens de ces copines aux magnifiques cheveux longs et soyeux comme tout droit sorti d’une publicité qui faisaient du solfège et étaient premières de la classe. Je me souviens de ces filles qui avaient suffisamment de charisme pour briller sans avoir besoin du statut social de leur parents. Il y avait les cools, les enviés, les surdoués, les sportifs et… il y avait moi… têtard informe mais gentil, pas dérangeant…
J’étais moyenne en tout y compris dans ma façon d’exister.
Je n’ai jamais su trouver ma place. Au sein de ma famille, mes cousins et cousines étions à peu de choses près du même âge. Là encore j’occupais la position du « milieu ». Il y avait les 3 ans de plus que moi et les 2/3 ans de moins. Mon frère lui (3ans de plus) était exæquo avec une de nos cousines ce qui leur donnait un air de faux jumeaux très complices. Complicité dont j’étais bien entendu totalement exclue. Je n’étais pas assez vielle pour que les plus jeunes m’admirent et pas assez jeunes pour partager les mêmes centres d’intérêts, pas assez vielle pour que les grands m’acceptent dans leur clan. Comme une métisse que ses deux nations réprouveraient. Je sais pertinemment que d’une façon ou d’une autre mon attitude à engendré cet état de fait. C’est certain, j’ai ma part de responsabilité mais en être consciente ne m’éclaire pas sur le pourquoi du comment. Qu’ai-je mal fais?
Un jour j’ai grandi. Sans que je m’en aperçoive mon corps à changé du tout au tout. Les gens se sont mis à me regarder différemment comme si j’étais quelqu’un de différent! J’ai le souvenir d’une voisine plus âgée qui un jour m’a dit : » ben dis donc, c’est le crapaud qui c’est transformé en princesse dis moi. Tu es devenue très jolie. »
De cette phrase je n’ai retenue que l’idée que jusqu’à lors j’étais un crapaud…
En maternelle et jusqu’au CP j’ai le souvenir d’avoir souffert de grosses crises d’eczéma purulant et que certains me disaient que je sentais mauvais ou qu’ils avaient peur que je sois contagieuse mais jamais, jamais je n’avais pensé être comparable à un crapaud.
Lorsque mon corps à changé passant du physique de tige informe à celui d’une adolescente aux courbes féminines, les gens n’ont eût de cesse de me faire remarquer à quel point j’avais pris des formes. Ce qui pour eux était probablement dit comme un compliment raisonnait en moi comme le résultat visible et irréversible d’une transformation dont je ne contrôlais absolument rien. Toute mon existence j’avais été la crevette invisible ou le clown de service et là soudainement le monde me voyait autrement, une autre moi. Moi qui ne trouvais déjà pas ma place voilà qu’on venait de m’affubler d’un nouveau rôle.
Alors que j’avais 14 ans après avoir dompter mes allergies durant des mois et mois, jour après jour en me rendant au près de chevaux à proximité de chez moi; mes parents pour mon anniversaire me firent la plus extraordinaire des surprises en m’inscrivant au club hippique de ma ville. C’était la récompense de mon tout premier combat contre une chose que les médecins m’avaient averti que je sortirais perdante pourtant… ça a fonctionné. Bien sûr les allergies n’avaient pas disparues mais elles étaient devenues supportables et le contact avec ces animaux que j’admire tant était enfin possible.
Là encore le rêve fut de courte durée.
J’ai une sainte horreur de la compétition et de tout ce qui s’y rapporte. La simple idée d’être jugée me fait perdre tous mes moyens. Je déteste l’idée que l’on puisse classer des humains sur leur performances. La valeur d’un être ne dépend pas d’une foutue marche de podium!
Je me souviens de ces adolescentes tirées à quatre épingles dans leur tenues de CSO. Chaussettes jacquart remontées jusqu’au dessous du genoux. Elles faisaient toutes partie du « Club » depuis des années, personne ne commence l’équitation à 14ans!
Hors mis une jeune fille un peu plus abordable que les autres avec qui j’échangeais, je me rappelle avoir finis par me retrancher dans ma bulle auprès des chevaux car c’est eux et rien ni personne d’autre que j’étais venu chercher.
Petit à petit je suis venue en avance et partais en retard pour pouvoir m’occuper d’eux aux côtés du palefrenier qui m’apprenait ce que c’était que de soigner ces êtres si chers à mes yeux. Au fur et à mesure cet homme de 11 ans mon ainé est devenu un modèle, une voie à suivre, une voix à écouter, une personne à qui faire confiance…
14ans… que pouvons nous comprendre des relations humaines à 14ans? Moi, jamais sortie des jupons de ma mère, moi naïve et inculte du monde hors des murs protecteurs de ma maison. Moi, le crapaud soudain affublé d’un corps dont je n’ai aucune conscience…
Imbécile que j’étais. Aveugle et stupide. Adolescente sans cervelle s’imaginant alors mériter l’amitié d’un être qu’elle admire…
Ordure, tu as semé le plus abominable des doutes en moi. J’ai longtemps cru être responsable de ce qui est arrivé. J’avais peut-être envoyé de mauvais signaux, ou bien peut-être que j’avais donner mon consentement en acceptant notre amitié ou pire… ce peut il que je sois suffisamment stupide pour n’avoir pas compris ce qu’il se passait. Peut-être que tu n’as rien fais de mal, c’est moi le problème? Je n’ai pas compris et j’ai paniqué et maintenant j’ai peur de toi alors qu’avec une autre que moi les choses se seraient passées différemment.
Quoi qu’il en soit une fêlure c’est produite en moi ce jour là. Me laissant un goût amer d’incompréhension, de culpabilité et le sentiment d’être sale et honteuse. Grâce au ciel tu as été dérangé dans ton acte sournois et perverse me laissant une chance de m’enfuir avant que mon corps d’enfant ne soit à jamais marqué au fer rouge pas la répugnance de ton être.
L’esprit humain est étrange. Pour peu que l’on admire quelqu’un, qu’on l’imagine supérieur à nous de quelque manière que ce soit, nous sommes prêts à accepter tous ses actes mêmes les plus malveillant. Parfois même ont s’imagine mériter ces malveillances, rien d’étonnant donc si une autre personne réitère les mêmes méfaits c’est probablement « notre » normalité. Une attitude que notre personnalité déclenche chez autrui.
Pourtant, même faible l’esprit humain est capable de révolte et un jour il trouve le courage de refuser cette « normalité ».
Grandir, évoluer au travers de nos expériences de vie et peu peu se découvrir une force insoupçonnée.